Il faudra se contenter d’espoirs et de patience. Pas de nouveau traitement spectaculaire présenté lors de la conférence de San Francisco, mais des pistes de recherches très intéressantes pour les années à venir.
Si l’infection par le VIH n’était pas cet énorme question de santé publique qui nous habite depuis près de trente ans, on aurait presque envie de se demander si le virus n’allait pas porter plainte pour harcèlement tant les chercheurs développent des outils pour le coincer dans toutes les étapes de sa funeste marche en avant.
Les projets présentés ce mercredi à San Francisco empruntent, en effet des chemins nouveaux qui pistent l’hôte indésirable pas à pas.
Des projets sur lesquels nous allons revenir, mais commençons par quelques confirmations.
La grande idée directrice de ce congrès c’est la simplification des traitements. L’exemple en est donné avec un essai qui a comparé l’utilisation du darunavir, un inhibiteur de protéase, associé au ritonavir en prise unique dans la journée (800mg/100mg) à une prise biquotidienne (600mg/100mg x2). Le darunavir est pris en même temps que d’autres molécules dans le cadre d’une multithérapie.
La bonne nouvelle c’est que cette prise unique a les mêmes effets que la prise biquotidienne. Un progrès pour la qualité de vie, donc.
Deuxième avancée, mais prudente cette fois car il s’agit d’un essai de phase 2, donc sur un faible nombre de patients, celle qui concerna Quad.
Comme son nom l’indique, Quad est un comprimé contenant quatre molécules différentes et qui est destiné à être pris une fois par jour seulement.
Il comprend deux inhibiteurs de la transcriptase inverse associés (Truvada®), un inhibiteur de l’intégrase (elvitegravir) pas encore commercialisé et une nouvelle molécule le cobicistat ou G 9350.
Cette dernière molécule est intéressante parce qu’elle n’a aucun effet sur le VIH.
Que vient-elle donc faire là, peut-on se demander ? Elle joue un rôle important dit de « booster ». Elle va augmenter la quantité de médicament disponible dans le sang, en l’occurrence l’elvitegravir.
Un renfort de poids
Quad a été comparé à une combinaison d’efavirenz et Truvada®. Quad s’est montré aussi efficace que cette combinaison.
Sans doute en partie grâce au cobicistat.
Ce nouveau composé entre en concurrence directe avec un autre booster, le ritonavir. Contrairement au cobicistat, c’est un médicament anti-VIH, de la famille des inhibiteurs de protéase.
Mais on l’emploie surtout comme « dopant » d’autres molécules.
Le problème c’est qu’il n’est pas toujours bien toléré et que le virus peut développer des résistances contre lui.
Le cobicistat suscite donc un grand intérêt, car il s’est très bien sorti d’une confrontation contre le ritonavir dans un essai où ils étaient associés à une molécule l’atanazavir
Voilà pour le présent, entrons maintenant dans le futur.
Comme je l’avais raconté dans un article récent, l’une des cibles favorites des chercheurs est une « paire de ciseaux » biologique, une enzyme, l’intégrase. Le virus s’en sert pour aller coller son ADN sur celui de la cellule-hôte.
Il y a déjà une anti-intégrase sur le marché, le raltegravir et un autre prêt à y entrer, l’elvitegravir évoqué plus haut.
Une nouvelle molécule, encore au stade précoce de développement, semble offrir des perspectives intéressantes. Il s’agit du S/GSK1349572.
Plus faiblement dosé que ses rivaux, en une prise quotidienne, avec un profil d’activité puissant là où ses concurrents rencontrent des résistances, cette molécule va devoir faire ses preuves lors d’essais cliniques de grande taille.
Un labo chasse le collabo
Autre innovation encore très expérimentale, le travail des chercheurs de l’Université catholique de Louvain présenté par le Dr Frauke Christ (ça ne s’invente pas !).
Ces chercheurs ont constaté que le virus, bien qu’armé de ses ciseaux, avait recruté une « petite main » dans les cellules qu’il infecte, pour l’aider à intégrer son génome dans celui de la cellule. Cette petite main est un facteur de croissance, présent depuis la nuit des temps, et qui s’appelle LEDGF /p75.
L’équipe belge a constaté qu’une petite partie bien précise de cette molécule jouait les « collabos » avec le VIH. Ils ont donc cherché comment venir bloquer cette collaboration en tapant non pas sur l’intégrase mais sur p75.
Ils ont donc débuté un vrai travail de fourmi en passant au crible plus de
25000 molécules déjà existantes. Au terme de leur criblage, quatre molécules semblaient être de bons candidats. Puis il en est resté une qu’ils ont modifiée à plusieurs reprises.
Ils ont ainsi abouti au premier modèle d’un nouvel inhibiteur qu’ils appellent LEDGIN. Ce composé, CX04328, n’a pas de résistances croisées avec les deux inhibiteurs d’intégrase déjà connus et pourrait donc ouvrir la voie à une nouvelle génération de médicaments.
Pour les chimistes lecteurs de ce blog, je précise qu’il s’agit d’une molécule du type :2-(quinoline-3-yl) acetic acid. Un type de synthèse assez répandue dans l’industrie pharmaceutique et des pesticides.
Là encore, il faut attendre que les évaluations cliniques commencent et cela suppose qu’il y ait un partenaire industriel qui s’associe à l’université !
Beaucoup de pistes donc mais difficile de dire si on en verra le bout et dans combien de temps.
Mais ce qui est certain c’est que des centaines d’équipes travaillent d’arrache-pied pour détruire un virus toujours aussi dévastateur.